Poilus : la boue n'a pas de camp

Le surnom de "poilus" fut donné aux soldats français qui, plongés dans l'univers infernal des tranchées, finirent par ne plus se raser. Mais il pourrait aussi bien s'appliquer à leurs homologues allemands et alliés tant les conditions de survie étaient difficles dans les deux camps. Les témoignages sont innombrables et poignants. Personne ne peut aujourd'hui se mettre à la place de ces combattants qui n'avaient plus de monde ni le sentiment d'appartenir au genre humain. Ressentir l'appréhension de la mort, pleurer celle d'un camarde, souffrir d'une hygiène déplorable et de la boue, sentir son corps sale et ne pas pouvoir se laver, se surprendre à commettre des atrocités parce qu'on en a trop vu, tuer à mains nues, craindre d'être blessé ou encore de mourir à petit feu dans un trou en guettant les secours qui n'arrivent pas. Mais se révolter aussi lors des mutineries qui suivent l'offensive sanglante et vaine du chemin des Dames.

L'existence s'organisait dans les lignes. Il écrivaient beaucoup et recevaient du courrier de l'arrière (en tout dix milliards de lettres ont circulé, soumises à un contrôle postal) ; ils lisaient les journaux de tranchée et assistaient à des spectacles ; ils confectionnaient des objets de toutes sortes, depuis la douille d'obus sculptée jusqu'aux peintures : là aussi les souvenirs sont innombrables. Quant à la permission, qui ne fut pas toujours accordée égalitairement, elle était attendue avec une impatience compréhensible. Mais combien de combattants des deux bords ont continué à hurler presque chaque nuit alors que la guerre était terminée ?

Source : Pierre CHAVOT et Jean-Denis MORENNE "L'ABCdaire de la Première Guerre mondiale" Flammarion 2001

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