Les "poilus" de la guerre de 14-18 dans notre famille

"Chers beaux-frères"

(Texte écrit en collaboration avec Tristan et Arthur)

Les "poilus" , Verdun , Les gaz , Les monuments aux morts , La chanson de Craonne

Le monument aux morts de La Couarde , Les pertes humaines de la grande guerre

Les registres matricules Quelques liens

Nous avons la chance d'avoir un lot de cartes postales expédiées par ces "poilus" à nos arrière-arrière-grands-parents, Georges PEZEAU et Louise MOUNIER. Ces cartes sont écrites au crayon pour la plupart. Ces hommes n'ont pas fait d'études, il font des fautes d'orthographe mais on sent que ces cartes sont importantes pour eux et que le courrier les relie à leur famille. Parfois ils écrivent sans lever le crayon entre les mots, sans doute sont-il bien mal installés. Les soldats pouvaient-ils choisir leurs cartes, plus ou moins tristes, montrant des destructions, ou patriotiques ? Ce choix était-il un message pour leur famille ?

Cette guerre a fait beaucoup de morts. Nous avons trouvé des renseignements sur certains de ces "poilus" en consultant les registres matricules aux archives départementales.

Marcel PEZEAU était notre arrière grand-père, le père de la mère de notre mère. Il est né en janvier 1913, quand la guerre a commencé il avait un an et demi. Il était fils unique. Souvent les cartes parlent du "gras Marcel", c'est marrant. A cette époque c'était un compliment pour un bébé !

Ses parents s'appelaient Georges PEZEAU et Louise MOUNIER. Pendant la guerre la mère de Georges vivait encore (elle est morte en 1925) et de nombreuses cartes donnent le bonjour à la "mère PEZEAU". Nous avons une photo d'elle avec ses trois fils, Georges, Louis et Albert, et les femmes de Louis et Albert.

Georges PEZEAU était né en 1870. Il avait donc 44 ans au début de la guerre. Il avait eu son fils assez vieux. Il n'a pas fait la guerre pour des raisons de santé. On ne sait pas lesquelles. En tout cas il a été exempté du service militaire. Il tenait, avec sa femme, un café dans le quartier Saint-Pierre, à Surgères. Il avait deux frères, qui s'apellaient Louis et Albert. Ils ont tous les deux fait la guerre et envoyé des cartes..

Louise MOUNIER était née en 1879. Au début de la guerre elle avait donc 33 ans. Elle avait trois frères : René, Alphonse, et Alexis. Elle avait aussi deux soeurs, dont les maris étaient aussi au front et lui écrivaient assez régulièrement. Sa soeur Jeanne était mariée à Alfred Réau, et ils avaient une fille, Marcelle. Sa soeur Julia était mariée à Emile Hervé et ils avaient un fille, Rénée. Il y a un A. mounier sur le monument aux morts de Surgères.

Il est parfois difficile de se repérer dans ces cartes, dont l'écriture change beaucoup selon que qu'elles ont été écrite au calme ou pas et selon l'humeur de ceux qui les écrites. Beaucoup commencent par la formule "chers beaux-frères" qui s'adresse à Georges et Louise. Pour les transcrire, nous avons décidé, après avoir hésité, de laisser les fautes d'orthographe, qui sont celles d'hommes simples, qui sont peu allés à l'école, et que l'on a arraché à une vie paisible à Surgères pour les précipiter dans la guerre.

- Louis PEZEAU a envoyé la première carte que nous ayons de lui le 25 avril 1915. Cette carte représente son régiment;le 138eme territorial, basé à La Rochelle. Il est à Aytré et vient apparemment d'être incorporé. Ensuite, le 31 mai 1915, il est à Bordeaux et ne sait pas encore où il va aller. La carte suivante date du 2 juin, il est dans les Cévennes. Il est "un peu souffrant". Ensuite, plus rien. Une carte dont la signature est illisible dit "n'ayant pas l'adresse de Louis et par conséquent de ma tante". Peut-être qu'à cause de sa santé il est rentré chez lui et que sa mère habitait avec lui ? Peut-être que sa mère est allé lui rendre visite là où il était hospitalisé ? S'il s'agit bien du même Louis...

Le texte des cartes de Louis Pezeau

- Albert PEZEAU s'appelle à l'état-civil Anatole Albert. Il est né le 24 février 1878 à Surgères. Il s'est engagé volontaire dans la marien en 1896, à 21 ans. C'est pourquoi nous avons une photo de lui jeune habillé en marin. Il est apprenti marin, puis cuisinier. Il passe dans la réserve de l'armée active le 29 juillet 1901, dans la marine d'abord, puis dans l'armée de terre après 1906.

Il est rappelé dans l'armée par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Il a donc 36 ans. En 1916 il passe au 1er groupe d'aérostation.

Sa première carte date de mars 1917. Il remercie du mandat de 10 francs que son frère lui a envoyé. Il est à la "ferme des Valforges". La carte postale représente Soissons. En janvier 1918 il est "au dépôt", il doit bientôt"repartir en compagnie" (sur le front) mais il se plaint qu'il n'est pas encore guéri. Il a donc été malade ou blessé. Le 3 juin 1918 il espère une convalescence de 20 jours mais se plaint que "ça ne va guère mieux", et qu'il ne peut rien dire de plus, à cause de la censure. En août 1918 il est nettement plus content de son sort, il fait la cuisine pour l'Etat-major à Esnon, au nord d'Auxerre. Fin août il explique qu'il doit suivre un régime avec beaucoup de lait et de fruits. Pourquoi ? Peut-être qu'il a été gazé ? En tout cas après la guerre il a des problèmes de poumons, il fait de l'emphysème pulmonaire, comme le constate une commission de réforme en 1922. Cette commission lui accorde une pension temporaire de 10%...

Le texte des cartes de Albert Pezeau

- La première carte de René MOUNIER date d'août 1916. Il est à Bordeaux. En septembre 1916 il écrit à Marcel, il est un peu malade et espère une permission. Il est au 58ème régiment d'artillerie. Puis plus rien. Mais une carte de son frère Alphonse en février 1918 parle de lui "vous lui direz qu'il m'écrive aussitôt rendu à son secteur". Il est donc encore militaire en février 1918. Nous n'avons pas retrouvé son registre matricule.

Le texte des cartes de René Mounier

- Alphonse MOUNIER écrit en mai 1915 pour remercier sa soeur d'un colis. Il signale qu'il faut lui écrire en mettant "Alexis Julien" en place d'Alphonse. Effectivement, à l'état-civil, on trouve l'acte de naissance de Alexis Julien, le 9 août 1878. Il porte presque le même prénom que son frère né le 6 septembre 1882, Alexis Félix. Alexis est le prénom de son père. Sa famille l'appelle Alphonse... Il mesure 1m64.

Lors de son recensement en 1898 il est exempté de service militaire pour surdité. Il est maintenu exempt par le conseil de révision en 1914. Mais en mars 1917, la commission de réforme le juge bon pour le service armé... Il est donc affecté au 118e régiment d'artillerie lourde, puis au 77eme régiment d'artillerie lourde.

On a une carte de lui sans date, estimée fin 1916, il y fait allusion à son courrier précédent et s'étonne qu'il ait pu passer la censure. Il est à Sommesous (au nord du camp de Mailly, dans la Marne) où il "ne fait rien" et il en est bien content. Il annonce que les permissions sont supprimées. Il a reçu une lettre d'Alfred, ce qui veut dire que les soldats pouvaient s'écrire entre eux ? Nouvelle carte en novembre 1917, en rentrant de permission il n'a pas trouvé sa batterie à Mailly. Il va la retrouver mais il ne sait pas où. En février 1918 il remercie encore pour un colis. Il se porte bien. Sa carte représente Nancy. Rien ensuite.

Nous savons qu'il est l'hopital le 23 février 1918, grâce à son registre matricule, puis en "congé illimité". Il revient donc vivant de la guerre.

Le texte des cartes de Alphonse Mounier

- Alexis Félix MOUNIER, dit Alexis, est né le 6 septembre 1882.

Lors de son recensement en 1903 il est ajourné pour faiblesse. En 1904 il est d'abord jugé apte, incorporé au 13e régiment d'infanterie, puis finalement réformé en décembre 1904. Il est maintenu réformé en décembre 1914, mais en mars 1917, il est classé service armé... Il a alors 35 ans.

Il est à La Rochelle en juin 1917. Il fait des corvées pour l'organisation du départ des soldats. La classe 18 vient de partir au camp de Souges, ce sont des soldats très jeunes. En mars 1918 il passe au 58eme régiment d'infanterie. il part pour Marseille au camp de Lorme. Il a l'air en forme, il est "bien nourri mais mal couché". Il a ensuite fait une traversée de 3 jours, puis deux jours de chemin de fer pour aller à Salonique, dans les balkans. Dans cette région il y a des alliés des allemands : les serbes qui sont battus mais qui se sont réfugiés à Corfou, l'Autriche-Hongrie et les bulgares qui sont entrés dans la guerre en 1915. (Les alliés ont fini par conquérir les balkans en 1918). Rien de lui ensuite. Il reviendra de la guerre, puisqu'il décède le 1er mars 1931 à Surgères.

Le texte des cartes de Alexis Mounier

- Emile HERVE est né le 6 mai 1875 à Surgères. Par la suite il va devenir menuisier à Bordeaux. Il va "tirer un mauvais numéro" lors de son recensement en 1895, il va donc faire son service militaire de 1896 à 1899, au 18eme régiment d'infanterie. Il sera ensuite dans la "disponibilité de l'armée active" à partir de septembre 1899.

Il est "rappelé à l'activité militaire" par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914, à 39 ans...

Il écrit très souvent, parfois deux cartes se suivent à un jour de distance. Il était aussi au 138ème territorial. La première carte date de novembre 1914, il commence à se rendre compte qu'il ne va pas rentrer tout de suite : "tu pourras mettre ton vin en bouteille avant que nous arrivions" mais il a encore l'espoir que ça finisse vite : "ce sera pour Päques à ce que je pense". Ses cartes sont souvent très brèves, il signale juste qu'il est en bonne santé. En janvier 1915 il pense que ça va être encore long, il se décourage mais il ne veut pas décourager sa femme. Il envoie beaucoup de cartes qui montrent les destructions de la guerre. En février 1915 il est dans la Marne, il "revient" à Révigny après avoir passé 10 jours à Nottancourt et Sommeille, non loin de là. En mars il revient en arrière en Haute-Marne. En septembre 1915 il annonce qu'il travaille maintenant "de son métier" il est "en subsistance de la 1ère compagnie". Il entretient probablement le matériel. Il travaille "au son du canon". On sent qu'il voudrait en dire plus mais il se plaint de la censure et dit qu'il risque la prison s'il en dit plus. En septembre 1916 il envoie une carte dans laquelle il est très en colère, c'est étonnant qu'elle ait pu passer la censure. Il en a vraiment marre. On retrouve dans cette carte l'esprit de la chanson de Craonne. Ce n'est pas un paysan, comme les autres, c'est un artisan qui vit en ville, Il est moins passif, plus révolté.

Il est "mort pour la France" le 16 septembre 1916, dans un hopital d'Orléans. Son nom figure sur le monument aux morts de Surgères.

Le texte des cartes de Emile Hervé

- Alfred Réau écrit beaucoup lui aussi. C'est lui qui semble le plus à l'aise avec l'écriture. Il parle souvent de sa femme, Jeanne, et de sa fille Marcelle. En novembre 1914 il est à Arrancourt, pas loin de Nancy. Il fait bien froid. Ses cartes sont souvent tristes. En mars 1915, il est toujours en Lorraine, mais au sud de Nancy et il décrit les destructions. En avril 1915 une longue carte montre qu'il est très déprimé, à voir tous ces morts et ces blessés. En mai 1915, il est toujours en Lorraine, dans un coin plus calme. Il envoie du muguet de la forêt de Champenoux. En juillet 1915, il envoie une bague à sa belle-soeur, qu'il a faite lui même. Il envoie aussi sa photo, mais il sont douze sur la photo, lequel est-ce ? En avril 1916 il est à Verdun et se contente de dire qu'on n'a jamais vu une bataille pareille. En septembre 1916 il dit que c'est une boucherie et pas une guerre. Dans son bataillon il est resté 120 hommes sur 602. Sa dernière carte date de décembre 1916.

Le texte des cartes de Alfred Réau

Pensez à signer mon livre d'or !

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